Voici le courrier que j'ai envoyé aux échevins de la ville de Verviers, dans le cadre de l'étude d'incidence du projet Foruminvest:
Verviers, le 7 juillet 2007
Objet : Centre commercial sur la Vesdre
Monsieur le Bourgmestre,
Messieurs et mesdames les échevins,
Suite à la visite de l’exposition consacrée au nouveau projet Spintay de Foruminvest (appelée exposition dans la suite de ce courrier), et à la soirée d’information du 25 juin, je vous fais part de mes remarques concernant le projet.
1. En quoi le recouvrement de la Vesdre se justifie-t-il économiquement ?
-Selon les informations obtenues de Mr Lousberg à l’exposition, il apparaît que le recouvrement de la Vesdre n’est demandé par aucune des enseignes pressenties dans le futur Centre Commercial, et trouve sa justification dans la possibilité pour les semi-remorques de manoeuvrer. L’acheminement des marchandises doit-il nécessairement s’effectuer par des semi-remorques ? D’autres moyens de transport ne peuvent-ils pas être envisagés ?
-Dans la brochure envoyée ce 6 juillet, il est signalé que le Centre Commercial proposera entre 85 et 95 nouvelles surfaces commerciales.
Sur un panneau de l’exposition, on peut lire : « L’extension de la zone de chalandise de Verviers basée sur l’implantation du centre commercial permettra une croissance du potentiel clients de 85% avec seulement 15% d’enseignes supplémentaires » (soit donc, 102 nouvelles enseignes si on compte 680 surfaces existantes).
Selon l’enquête mentionnée au centre d’information de Foruminvest, les enseignes souhaitées à Verviers par plus de 56% des chalands sont : Zara (17.9%), Foot Locker(10.5%) , Mango (8.8%), Jennifer (5.7%), Bershka (5.4%) , Pimkie (7.8%) ; ces enseignes occupent à Liège des surfaces relativement réduites.
Donc, l’objectif de croissance du potentiel client est déjà atteint à 85% avec seulement les 6 enseignes mentionnées !
-L’exemple des salles de cinéma du MovieWest me semble devoir être cité. Ce complexe affiche en effet depuis son ouverture une santé éclatante, alors qu’il est nettement plus petit que celui du Kinépolis à Rocourt, qu’il concurrence. Et donc, bien que son offre soit plus limitée que celle de Liège (outre le Kinépolis, il faut y ajouter le Churchill et le Parc), on s’aperçoit qu’elle est néanmoins suffisante, dans la mesure où elle couvre, disons 80% des besoins du public de cinéma.
Il me semble qu’on peut tenir le même raisonnement pour les autres besoins des consommateurs : il ne me parait pas nécessaire, pour assurer le succès du centre commercial, de couvrir la totalité de de l’offre commerciale de Liège, par exemple.
Aussi bien les informations reçues à l’exposition, que l’exemple du MovieWest m’amènent à conclure qu’une surface commerciale de plus de 30000m² n’est pas nécessaire pour ranimer le commerce de Verviers
2. Incohérence du recouvrement de la Vesdre avec le statut de capitale Wallonne de l’eau
La Région Wallonne a assigné à Verviers le rôle de Capitale Wallonne de l’eau. L’objectif en était de redynamiser la ville en y installant des administrations, et à lui conférer une « image », sur laquelle peuvent s’appuyer des initiatives sociales, économiques et culturelles, menées aussi bien par des acteurs publics que privés.
La Vesdre constitue évidemment le symbole de cette image.
Son recouvrement détruit cette spécificité verviétoise, et supprime les perspectives de développement attendues.
Si ce recouvrement a lieu, Verviers perdra sa cohérence, et sa crédibilité vis-à-vis des médias extérieurs.
3. Nuisances du recouvrement de la Vesdre du point de vue touristique
La symbolique de la Vesdre a donné lieu à de remarquables réalisations urbanistiques, autour des thèmes de l’eau et de l’industrie textile : citons la restauration et la création de fontaines, la construction du canal en terre Hollande, le musée de la laine, etc…
Le recouvrement de la Vesdre nuira sans le moindre doute à l’image de la ville, lui enlèvera toute crédibilité vis-à-vis des acteurs du tourisme, pire, ridiculisera la ville.
Les quelques pourcents de chalands supplémentaires grappillés par la démesure du complexe ne compenseront jamais, à terme, la suppression de toute perspective de développement touristique.
4. Nuisances du recouvrement de la Vesdre sur le paysage verviétois
Les Verviétois et les touristes voient sacrifier le principal attrait paysager de la ville, l’ouverture créée par la Vesdre, à un concept architectural qui barre toute perspective.
L’image que les passants auront, à partir des ponts du Chêne et des Récollets (embellis, et donc destinés à être des endroits privilégiés de promenades), sera celle d’une rivière disparaissant sous le Complexe Commercial.
5 .Utilisation du thème de l’eau par les promoteurs
L’importance des points 1 à 4 développés ci avant est implicitement admise par le promoteur.
Ainsi, l’attrait de la rivière est exploité par la construction d’un immense atrium en verre qui donnera à leurs clients une vue imprenable sur le cours d’eau, tout cela aux dépens des promeneurs et des Verviétois.
A la réunion d’information du 25 juin, Mr Mettewie a expliqué que les alentours du Complexe Commercial était partagés en « modules » , dédiés à la « verdissation », l’installation de mobilier urbain,… et au rappel du thème de l’eau ! La même idée est reprise dans la note de motivation du promoteur (p51) : « Le travail envisagé sur les espaces publics vise également à renforcer et développer l’image de Verviers en tant que capitale Wallonne de l’eau, par la réalisation d’espaces explicatifs autour de la thématique de l’eau et par la réalisation de nouvelles fontaines en bord de Vesdre,… »
A la question de savoir qui allait payer ces aménagements, Mr Huon a répondu que pour 2€ investis, 1€ était versé en subsides. Ainsi donc, l’embellissement attendu de la ville (pont des Récollets, du Chêne, placettes rue Spintay,… ) se fera essentiellement par l’argent du contribuable, et non, comme on le laisse croire, par la générosité du promoteur.
Une partie de ces fonds publics serviront donc à réparer les atteintes du promoteur à l’image de Verviers !
6. Construction de terrasses en bord de Vesdre
En amont du complexe, Foruminvest compte aménager le long du quai Jacques Brel (du moins ce qui en reste) des terrasses surplombant la Vesdre, afin d’y développer des cafés, des restaurants,…
Quelles sont les chances de réussite de ces projets ?
Ces terrasses seront situées à quelques dizaines de mètres seulement de l’endroit où la rivière disparaît sous une structure en béton. On peut imaginer spectacle plus bucolique, sans parler des mouvements d’air qui seront initiés entre les zones chaudes non couvertes, et la zone froide couverte. Du reste, la clientèle est attendue fin d’après-midi, c'est-à-dire lorsque le soleil sera caché par les bâtiments du Complexe Commercial !
7. Conception architecturale du Complexe Commercial
Alors que la Région Wallonne cherche à promouvoir les économies d’énergie dans le bâtiment, rien de tel ne semble être envisagé par les architectes du Centre Commercial : pas de panneau solaire, construction d’un atrium en verre, qu’il faudra refroidir en été et réchauffer en hiver,…
Les architectes se sont-ils souciés des consommations d’énergie primaire d’un tel complexe ?
Les règles de l’architecture climatique que la Région Wallonne veut promouvoir ont-elles été respectées ?
8. Destruction du commerce local existant
Les retombées du Centre Commercial sur les enseignes locales n’ont pas été examinées.
Ainsi par exemple, l’exposition permet de croire que l’implantation de la FNAC et du MediaMarkt (souhaitée par seulement 5% des chalands, toujours selon l’étude visible au centre d’informations)est envisagée. La question se pose de savoir ce qu’il adviendra des commerces existants ; « Au Fil d’Ariane », « Videosquare », « Krefel », « Le Dépôt » et d’autres magasins, dont le service clientèle n’a certainement rien à envier à celui offert par les deux géants précités feront sans doute les frais d’une telle concurrence.
9. Absence de plan de circulation
Actuellement, on ne sait toujours pas comment sera organisé la circulation en ville.
Le promoteur désire aussi favoriser les déplacements respectueux de l’environnement.
Madame l’échevin Targnion pense canaliser le trafic via la rue du Palais.
Peut-on expliquer comment feront par exemple les cyclistes pour se rendre de la gare dans le centre-ville, ou pour regagner l’est de la ville, en empruntant la rue du Palais ou la rue Xhavée ; aujourd’hui déjà, aux heures d’affluence, ces rues sont dangereuses, les voitures sont quasi dans l’impossibilité de dépasser les cyclistes, vu l’étroitesse des voies ; qu’en sera-t-il, lorsqu’elles seront saturées ?
10. Fiabilité de l’enquête commanditée par Foruminvest
L’exposition reprend les résultats d’une enquête réalisée en septembre 2005 auprès de 1780 chalands.
Selon cette enquête, une évasion de 79% des chalands du centre-ville est observée, au profit de Liège (53,4%), Bruxelles (7,1%), Belle-Ile (6,9%) , Aachen (3.9%), Heusy (3,5%), Cora (3,4%), Eupen (3,2%) , Spa (3,0%), Maastricht (2,9%).
Cependant, un sondage réalisé sur le site Internet
www.bestofverviers.be concernant les villes préférées des Verviétois pour le shopping, et publié dans « Le Jour » (édition du 3 juillet 2007) présente des résultats très différents.
Il apparaît que les Verviétois font leur shopping à Verviers (61.5%), Maastricht (55.4%), Spa (50.5%) et Liège (40.5%).
Maastricht est donc la ville préférée des Verviétois, juste après Verviers. Pourquoi ? Toujours selon le sondage, Maastricht est appréciée « pour ses possibilités de circuit pédestre sans interruption de magasins, des magasins variés autres que les grandes enseignes que l’on retrouve dans toutes les villes, un choix différent et plus vaste qu’à Verviers, le nouveau centre commercial (la galerie a été intégrée en préservant les immeubles existants), la cathédrale désacralisée et transformée en librairie, ... »
Il n’y a pas de raison particulière de croire que les gens d’Aubel, Herve, Dison,… n’aient pas des perceptions identiques à celles des Verviétois.
Peut-être serait-il préférable de délocaliser les nouvelles enseignes dans les surfaces commerciales actuellement vides, plutôt que de tout concentrer dans un seul complexe.
A tout le moins, il conviendrait d’examiner ces résultats avec la plus grande attention, et d’en tenir compte, avant de finaliser le projet tel qu’actuellement présenté par Foruminvest.
Je vous remercie pour votre attention, et vous prie d’agréer, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs les échevins, l’expression de ma considération.